Adieu, François

J’ai été scolarisé dans une école catholique. École dont tous les enseignants, ça me semble important de le mentionner, se sont montrés d’excellentes personnes en même temps que d’excellents pédagogues, pour lesquels ma gratitude est aussi vive aujourd’hui qu’il y a presque 40 ans de cela quand je quittai leur établissement pour entrer à l’université, jeune étudiant pas trop mal préparé grâce à leurs efforts.

Pourtant, je ne suis pas catholique et je ne me suis jamais considéré croyant.

Il est vrai que, adolescent tandis que l’un de ces professeurs nous enseignait la Bible je me suis passionné pour ce texte à tiroirs. Pour l’Ancien Testament d’abord, mais encore plus pour le Nouveau Testament qui nous racontait la vie de ce Jésus iconoclaste, si profondément intelligent et si humain à la fois, conscient de ce qui l’attendait et déterminé à l’accepter comme une nécessité. Si j’avais éprouvé beaucoup d’intérêt à étudier l’Ancien Testament, Jésus m’avait fasciné.

Malgré ça, dès ma sortie de l’école, Jésus, les Apôtres, Marie et tous les autres, le Nouveau et l’Ancien Testament, toute la sainte Bible, la religion, l’Église, tout s’est très rapidement mué en une mémoire incertaine à propos d’un bonhomme pas trop con mais peut-être un peu trop généreux, un bouquin intéressant mais bizarre, mélangé au souvenir d’un jeune prof enthousiaste et convaincu par l’importance de ce qu’il tentait de partager avec une poignée d’ados pas forcément très réceptifs, et puis il y avait aussi à l’arrière-plan une grosse institution, avec ses chefs et ses sous-fifres : l’Église catholique. Institution qui semblait vivre accrochée à son passé glorieux (et violent) quand elle ne se perdait pas dans des enfantillages assez surprenant.

Ce souvenir lui-même s’était rapidement volatilisé dans les affres de ma vie d’étudiant et de jeune actif plein d’espoir et de certitudes. Il y a près de 40 ans de ça que je n’ai plus trop songé à la religion. Et encore moins à l’Église catholique.

Je me souviens d’avoir été surpris par la démission du précédent pape et pas moins étonné de certaines des décisions et attitudes du pape François. Mais je n’y songeai pas plus que ça.

Jusque qu’il y a quelques mois de ça, quand j’ai recommencé à lire certains textes des Lumières. Textes qui m’ont donné envie de relire la Bible, histoire de rafraîchir mon souvenir très incertain de ce texte. Et puis, encore plus récemment, lorsque je me suis rendu compte que quelque chose de précieux semblait être en train de disparaître, là maintenant, juste sous mes yeux et tout autour de moi, peut-être aussi en moi. Quelque chose qui m’échappait complètement mais que je sentais sur le point d’être remplacé par autre chose de tout aussi flou pour moi mais avec lequel je sentais bien que je n’avais aucune affinité.

Bref, je sentais comme un malaise et, en même temps, je me rendais compte que je ne me souvenais pas assez de la Bible pour pouvoir lire des textes critique à son propos.

Je me suis donc acheté un tout petit Nouveau Testament de poche et, commençant à lire Matthieu j’y ai instantanément retrouvé ce Jésus (intelligent, iconoclaste et tellement humain) qui m’avait passionné. Mon regard était moins adolescent qu’alors mais mon intérêt pour le personnage de Jésus n’était pas moindre, je peux le dire. J’ai donc continué à lire les Évangiles—je n’ai toujours pas fini.

Entre-temps, je me suis acheté une grosse Bible, complète cette fois et en grand format (plus confortable pour mes yeux vieillissants). Et comme j’avais certaines difficultés à apprécier la traduction proposée dans mon modèle portable j’ai également cherché d’autres traductions. Et me suis surpris à vouloir en garder plusieurs à portée de mains.

Parmi les plus courantes, à côté de la traduction œcuménique j’ai grand plaisir à lire la Segond (une Bible protestante, donc) et aussi la Bible traduite par Otsy et, depuis quelques jours, la Bible traduite par Chouraqui que je considère déjà la plus inspirante de toutes, celle qui me semble donner au texte une forme plus, heu, rêche et plus directe qui me semble plus convenir à ce que doit être le texte original. D’ailleurs, si un éditeur avait l’idée d’en proposer une édition de poche vraiment portable (une édition de qualité, qui puisse être manipulée sans tout de suite tomber en morceaux, merci), je l’achèterais immédiatement.

Et donc, tandis que je lis la Bible, ce lundi de Pâques le pape François est mort. Non-catholique et incroyant, la nouvelle m’a touché bien plus que je ne suis près de le reconnaître.

Illustration
(Matthieu 5:1-12 dans la traduction Chouraqui. Même avec sa traduction (où il parle de ’d’humiliés du souffle’ au lieu de ‘pauvres d’esprit’ dans d’autres traductions, c’est ‘âme de pauvre’ dans la version Otsy), le verset 5:3 me paraît si difficile à interpréter. Ici, dans la version Segond)

Published: 2025/04/22