FR: Interdit aux chiens (mais pas aux voitures)

Le temps s’est radouci depuis quelques jours et, ce matin, ça m’a donné très envie d’ouvrir en grand les fenêtres pour respirer un peu d’air frais. Moins de cinq minutes plus tard, j’avais refermé toutes les fenêtres et je soupirais d’aise dans le calme retrouvé.

Nous habitons Paris, pas loin d’un grand axe de circulation ce qui signifie que dès 6-7h du matin c’est beaucoup de véhicules qui passent sans interruption. Voitures, motos, bus, camions, camionnettes, etc. qui vrombissent, freinent, accélèrent, klaxonnent. C’est beaucoup de bruit. Et ce trafic constant n’est interrompu, de trop brefs instants, que par les feux de circulation quand ils passent au rouge. Des feux que j’ai appris à considérer comme de véritables amis.

C’est plus calme après les heures de pointes, comme dans toutes les villes de belle taille, entre le début de journée et la fin de journée, le début de soirée, où l’on entre et l’on sort en masse de Paris, mais ce n’est jamais vraiment calme. En fait, si ça l’a été durant le premier confinement du covid. Très calme même.

Ce bruit est déjà fatiguant quand les fenêtres sont fermées. Alors, en les ouvrant…

Pour moi, les fenêtres c’est à peu près le même usage que j’ai d’un casque à réduction de bruit. Vous savez, on le met sur nos oreilles dès qu’on sort pour ne pas subir le vacarme constant de la rue ou, plus justement, le vacarme de la route et à peu près tout ce qui roule dessus, sauf les vélos. Et donc, pour se protéger du bruit, au lieu de tenter de réduire sa source au silence on a fait le choix d’en ajouter un peu plus encore. Un bruit qui annule notre perception du premier bruit mais qui ne le fait pas disparaître (la magie, ça n’existe pas).

Drôle de logique, vous ne trouvez pas ? Ajouter du bruit au bruit.

Je me suis rendu compte de ça courant 2024, lorsque j’ai décidé de moins utiliser mes écouteurs durant mes longues marches quotidiennes afin de mieux me rendre disponible à la ville autour de moi. Et ça marche plutôt bien… dans les petites rues, étroites et sans voitures. Toutes ces rues calmes où les seuls bruits qu’on entend sont des bruits organiques et vivants et que l’on a plaisir à découvrir, des yeux autant que des oreilles quand on y marche. On y redécouvre le bruit que font les gens qui vaquent à leurs activités, qui bavardent, qui écoutent de la musique ou qui jouent d’un instrument (pas assez souvent, à mon goût). Ou encore le bruit d’un chien qui aboie, de deux chats qui se battent, le bruit de la vaisselle qui se fracasse sur le sol au moment de mettre ou de débarrasser la table.

Des bruits qui disent que des gens vivent à cet endroit. Pas qu’ils y passent, pressés d’êter quelque part ailleurs.

Des bruits qui rendent la ville humaine et habitées. Autre chose que ce décors plus ou moins touristique dans les rues duquel les automobilistes passeraient tels ces hordes de touristes qui défilent à la queue leuleu entre des sculptures et des peintures qu’ils aperçoivent à peine toujours pressé d’arriver à la sortie quand ils visitent le Louvre.

Des bruits agréables donc, mais qui disparaissent à la seconde où l’on tourne le coin de la rue pour se retrouver sur une des grandes artères de communication, comme on dit. Sur une des avenues ou un des boulevards ou bien dans une de ces petites rues qui ont le malheur d’offrir un raccourci entre deux artères et dans lesquelles tout ce qui roule s’engouffre avec une voracité pressée.

Cette ville-là, celle de l’auto triomphante, est une horreur à y vivre. Cette ville-là est sale. Quand elle n’est pas carrément dégueulasse.

Pas tellement parce qu’elle pue — car elle pue, le fuel et l’huile brûlés, la gomme sur le macadam aussi, et l’air y est pollué de tout ça — mais parce qu’elle se pense dans son droit de cracher son vacarme à la tronche d’absolument tout et de tout le monde, absolument partout. Par terre, vers le ciel et les nuages qui deviennent sales eux aussi, sur les façades qui noircissent à force, et enfin, aussi, par les fenêtres ouvertes des appartements.

Cette-ville là, elle est une maladie.

Comme toute maladie, on en voit les symptômes qui disent le déséquilibre d‘un système complexe qui ne fonctionne plus comme il est censé le faire, sans aucune harmonie. L’harmonie est ici une question de (self-)controle. Contrôler ce que l’on fait, chacun de nous, et contrôler ce que les autres font autour de nous en leur demandant d’user sur eux-mêmes de la même capacité à se contrôler que nous devrions nous aussi user.

Cela s’appelle vivre ensemble. Mais jusque récemment, vivre ensemble ça semblait ne pas concerner l’automobile. Ce qui était presque logique vu que dans sa voiture ou sur sa moto, le conducteur ne vit jamais là où il passe. Il se contente d’y passer et vu qu’il n’y vit pas qu’est-ce que ça peut lui faire le bruit ou l’odeur ? Cela ne concernait donc pas les conducteur ce vivre ensemble.

Mais cela concernait les propriétaires de chiens.

À Paris, le propriétaire d’un chien qui ne ramasserait pas la crotte que son toutou vient de déposer sur le trottoir sera verbalisé. À peu près tout le monde est d’accord avec ce choix, qui puni pourtant le propriétaire d’un animal qui ne fait rien que de très naturel en fait, chier. Et on est d’accord pour une très bonne raison : depuis que c’est puni par la loi de ne pas ramasser le crotte de ton clébard et de la laisser traîner n’importe où sur le trottoir, et la prune est salée, on a tout suite beaucoup moins souvent marché dans la merde de ces clébards. C’est presque comme si on pouvait faire un lien de cause à effet. Qui aurait pu le croire ?

Alors, serait-ce vraiment tellement plus con de verbaliser les véhicules qui souillent notre air et nos oreilles et viennent déposer jusque chez nous, tel un étron puant (et toxique, en plus), ce bruit qui est le leur?

Et puis, ce serait sympa de ne pas être obligé de porter un casque anti-bruit du moment qu’on souhaite ouvrir les fenêtres et aérer. Même aux heures de pointe.

Un casque audio avec réduction de bruit

Published: 2025/02/24